On connaissait le Masque et la Plume. Voici le Masque Noir. Symbole de la diaspora africaine, notre maison d’édition est une équipe partagée entre Metz en France et Lomé au Togo, réunie par l’amour des livres, décidée à fabriquer de bons livres, à les diffuser tant en Afrique qu’en Europe. Notre projet s’articule sur la double diffusion, le soin typographique pour que le livre donne envie d’être lu et, on l’aura compris, sur une certaine philosophie du masque.
Fabriquer de bons livres
On a annoncé que l’ère du numérique tuerait le livre, que l’on lirait sur les écrans et que ce serait le bonheur et la paix et la joie pour tous, pour les siècles des siècles. Blablabla. Il y a donc raison, pour ne pas paraître suicidaire, de justifier pourquoi des hommes et des femmes osent encore s’associer pour fabriquer des livres. L’un d’entre nous, prenant cette prophétie du numérique au sérieux, au hasard s’acquit, il y a maintenant bien longtemps, une tablette avec le grand rêve de se déplacer partout avec toute sa bibliothèque dans une tablette de 300 grammes. L’expérience fit long feu.
Une liseuse, quoi qu’on dise, n’a pas le charme d’un livre. Car un livre, pourvu qu’il soit bien fait — et nous entendons bien les faire — est plus que du texte collé sur du papier — ce qu’est devenu malheureusement — et, en cela, le numérique a peut-être achevé le livre — une grosse part de l’imprimé contemporain. Pourvu que vous aimiez écrire dans vos livres — et chez nous, vous aurez les marges nécessaires pour le faire —, y tracer vos propres pensées à la suite de celles de l’auteur, marquer au crayon vos étonnements, vos désaccords et même votre savoir supérieur… vous découvrirez, si l’avez pratiqué, qu’une liseuse ne vous offre pas tous les atours d’un livre en main.
Sans compter les atours supplémentaires de vivre dans une bibliothèque et de sentir l’odeur du papier, de lire à revers et de consulter trois pages à la fois, les doigts coincés en marque pages, d’avoir vos notes toujours sous le regard — sans devoir les stocker sur un serveur — qui, en plus des effets délétères sur l’environnement peut, au hasard d’une panne, vous en priver ou les flinguer à jamais. Et le « l’un d’entre nous » sus-évoqué a vécu tout cela à la fois. Non. Que le numérique fasse sa vie, nous en profiterons, mais nous fabriquerons des livres. Et pis, pour les faire, nous n’avons pas, semble-t-il, choisi un nom facile.
Le Masque oui, mais noir? Notre philosophie
Il y va, en effet, d’une tautologie : le mot masque aurait une étymologie d’origine latino-italienne (mascara = noir). Le masque est donc noir et le noir est masque. Parce que dans le moyen-âge européen, pour se masquer, l’on se tartinait le visage avec un coloris noir.
Mais la tautologie a ses raisons que la raison ne dit pas toujours. Et une première : le Noir dont il est question dit une aire du monde considérée comme noire et dont l’essentiel de la vie — mais cela ne lui est pas propre — consiste dans le culte des ancêtres qui sont, ici et là — cela lui est peut-être propre —, représentés par… des masques. Peut-être pour dire que l’accès direct à ce monde des Anciens nous est impossible mais qu’il y a, néanmoins, un accès — c’est-à-dire, pour faire court, que l’accès au monde est toujours symbolique.
Le masque symbole des ancêtres, est donc le symbole donc de la transmission, à travers un voile, du savoir, de la culture, du monde et de la vie, etc. d’un monde à un autre, d’une génération à une autre, d’une main à une autre, etc. et tient d’ailleurs une place de choix dans de nombreuses sociétés à initiation. Noir n’affirme/confirme pas seulement l’identité du masque. Il lui donne sa couleur. Il dit qu’on part d’Afrique pour regarder vers les horizons du monde.
Mais il y a plus : comme l’ancêtre, un auteur n’est-il pas toujours celui qui accepte de porter un masque afin de se faire découvrir, de se masquer afin de rendre le jeu intéressant, de mourir pour laisser vivre un lecteur — qu’il n’est même pas certain d’avoir ? Vous voyez ? Ou faut-il le redire ? Tautologie ? Voilà pourquoi : Editions Le Masque Noir.